Le pont levant... qui ne se levait pas!
samedi 15 août 2009
"Un an après sa mise en service, le nouveau pont mobile de Rouen, le plus grand d'Europe, ne s'est toujours pas levé pour laisser passer des paquebots vers la cité normande. Les armateurs craignent de voir leurs navires bloqués en amont par une grève ou une panne du mécanisme.
Ce pont de 155 millions d'euros a été conçu pour faciliter la circulation dans une agglomération asphyxiée par l'automobile tout en permettant le passage des grands navires remontant la Seine jusqu'au coeur de la ville.
Au vu du trafic existant, les services de l'Etat estimaient qu'il faudrait lever ses tabliers "trente à quarante fois par an". Mais contrairement à leurs prévisions aucun navire n'a demandé à le franchir depuis sa mise en service en septembre 2008 et le mécanisme n'a jamais eu à servir.
Premières concernées, les compagnies de croisière ne veulent pas prendre le risque de voir leurs paquebots enfermés dans un cul de sac. "Elles craignent que leurs navires ne soient piégés par une panne technique du système, une grève du personnel du pont ou une manifestation sociale", explique Jacques Thyebaut directeur des croisières chez l'agent maritime Humann et Taconet.
Source: l'express.fr
Son confrère Didier Marquer, chez Sea Invest, partage cet avis en soulignant que les paquebots enchaînent avec précision leurs escales et ne souffrent pas du moindre retard. "Ils doivent se tenir à des horaires qui sont dignes de la SNCF de la grande époque", assure-t-il.La question est d'autant plus sensible à Rouen que les navires doivent tenir compte des marées pour programmer leurs mouvements. "S'ils ratent la marée, ils doivent attendre la suivante, et cela démolit tout le programme de la croisière", ajoute Jacques Thyebaut.
Tous les agents soulignent aussi que les armateurs, les capitaines et les pilotes sont "très réticents" à faire passer leurs grands navires de luxe entre deux piles d'un pont distantes d'à peine 120 mètres. "A la différence des navires de marchandises, les paquebots ne peuvent se permettre la moindre écorchure sur la coque", souligne Didier Marquer.
Martin Butruille, directeur commercial du Grand port maritime de Rouen, voit aussi dans ce refus de passer le pont un effet du durcissement des mesures de sécurité depuis les attentats du 11 septembre. "Aujourd'hui les armateurs ne veulent plus s'installer derrière des ouvrages d'art, ponts ou écluses, que ce soit en Europe ou en Amérique", assure-t-il.
Une levée à la mi-août...
Le port avait anticipé le problème en ouvrant en 2007 un terminal croisière en aval du futur pont pour compléter celui situé en amont, proche du centre ville, qui accueillait jusqu'alors une trentaine de paquebots par an. "Nous continuons de proposer des escales en amont, mais cette possibilité n'a pas encore été utilisée", reconnaît Martin Butruille.
Les détracteurs du pont mobile, option plus coûteuse qu'un pont fixe ou un tunnel, soulignent que l'ouvrage se lèvera surtout pour laisser le passage aux grands voiliers de l'Armada, un événement qui se produit "seulement tous les cinq ans". En revanche, ses défenseurs voient dans cet ouvrage élégant "un monument emblématique" au même titre que la célèbre cathédrale de la ville.
Tous pourront toutefois voir le pont se lever à la mi-août à 55 mètres au-dessus des eaux de la Seine, non pour laisser passer un bateau mais dans le cadre d'un arrêt technique destiné à s'assurer du bon fonctionnement de son complexe mécanisme de câbles, crémaillères et contrepoids."
Source: l'express.fr