La tête maori semble à nouveau sur le départ ou comment une actualité locale peut faire bouger les lignes au niveau national
lundi 29 juin 2009
Il y a quelques temps, la Ville de Rouen avait décidé de rendre à son peuple d'origine la tête maori détenue par le muséum d'histoire naturelle. Initiative mal vue par le ministère de la culture de l'époque qui en freina la démarche et annula la procédure. L'élue en charge de la culture à Rouen à l'époque, Catherine Morin Desailly, initiatrice du projet, est également sénatrice. Partie de Rouen, elle a continué son combat et vient de faire valider par le Sénat une proposition de loi engageant la France dans la restitution de toutes les têtes détenues sur le territoire français. Une petite idée au départ qui pourrait bien contribuer à redorer l'image "éthique et droit de l'homme" de la France dans cette partie du monde...
À la suite, le communiqué diffusé par la sénatrice.
Pour mémoire, les têtes maories sont des trophées de guerre en Nouvelle-Zélande, quand on gagnait, on coupait la tête de l'ennemi pour la faire sécher. Ces têtes étaient tatouées, c'était plus joli sur le buffet des amoureux du colonialisme au XIXe... Un commerce douteux avec l'occident s'installa à l'époque, encourageant la recherche de têtes...
La proposition de loi portée par Catherine Morin-Desailly autorisant la restitution des têtes maories a été adoptée par le Sénat
Plus d’un an après la décision de la Ville de Rouen de restituer une tête maorie tatouée et momifiée détenue dans les collections du Muséum d’histoire naturelle à la Nouvelle-Zélande et l’annulation de cette décision par le juge administratif, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à autoriser la restitution non seulement de la tête maorie conservée à Rouen mais également toutes celles, aujourd’hui estimée entre 15 et 20, se trouvant dans les autres collections publiques. Catherine Morin-Desailly (UC-Seine-Maritime), à l’initiative de cette proposition de loi co-signée par près de 60 sénateurs et par ailleurs membre du groupe d’amitié France-Nouvelle Zélande du Sénat, se réjouit de cette adoption par la Haute Assemblée.
Alors que la ville de Rouen, considérant cette tête comme un élément du corps humain et non comme un objet de collection, s’était fondée sur l’article 16-1 du code civil, le juge administratif avait refusé cette interprétation et considéré que la commission de déclassement aurait dû être saisie. La question du statut juridique de ces têtes maories a donc fait l’objet d’une controverse donnant par ailleurs lieu à un colloque international au Musée du Quai Branly en février 2008 auquel la Sénatrice de la Seine-Maritime avait participé.
Intervenant pour présenter la proposition de loi, Catherine Morin Desailly a indiqué que sa démarche reposait, au-delà des considérations juridiques, sur une réflexion éthique : « La culture ne peut se passer de la transparence, de la vérité et doit répondre à une éthique irréprochable. On ne peut, sous son couvert, porter atteinte au droit des peuples et la France, pays des droits des l’homme, se doit d’être exemplaire. ». De nombreux pays ont déjà répondu de manière positive aux demandes de restitution néozélandaises. Au total, ce sont 322 restes humains maoris sur les 500 estimés qui ont à ce jour été transférés. Cette démarche s’inscrit également dans la logique de la déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, ratifiée par la France, ainsi que dans celle du code de déontologie de l’ICOM de 2004.
Si l’Assemblée Nationale adopte cette proposition de loi, ce sera alors l’ensemble des têtes maories que détient la France, une quinzaine environ, qui pourront être restituées à la Nouvelle-Zélande afin d’être inhumées dans le respect des traditions de ce peuple autochtone qui a toujours lutté face aux menaces pesant sur sa survie identitaire et culturelle.
Catherine Morin-Desailly se réjouit que son souhait de voir une vaste réflexion et un travail de fond effectif engagés afin de régler dans un cadre strict et selon des critères précis la question de la restitution des restes humains ait été inscrit par le rapporteur dans la proposition de loi. La France reste à ce jour très en retard sur ce sujet, notamment au regard de ses voisins européens. Elle doit donc aujourd’hui faire face à la nécessité de gérer de manière éthique et responsable les collections de ses musées.