Seine-Maritime à la loupe, suite
mardi 20 janvier 2009
Pour vous donner l'envie d'y plonger :
“Assieds-toi, j’ai quelque chose à te dire”. C’est par ces mots que Catherine Gruel a accueilli son mari Dominique, le 10 décembre, et tous deux me répètent la phrase. Elle venait d’apprendre d’une délégué CGT qu’il était licencié de sa société de sous-traitance automobile, EMT Composants, après presque vingt ans de maison. Ce fut “un mauvais cadeau de Noël”. Le soir même, Dominique, 49 ans et 1 600 euros de salaire net, “grâce aux primes du travail de nuit”, partait à Caudebec-les-Elbeuf prendre son service.
Cette nuit-là, Dominique et les autres ont joué aux cartes. Le lendemain, il a reçu sa lettre de licenciement, qu’il m’a autorisée à photographier. Comme les 124 autres concernés, Dominique s’était “battu” pour que l’entreprise, placée en redressement judiciaire fin mai, soit reprise par Autoliv, son propriétaire d’avant 2002. Ca a marché, avec pour corollaire des licenciements, dont il ne pensait pas faire partie, “parce tout le monde disait qu’ils auraient besoin des chefs de chaîne, comme moi. Et parce qu’ils savaient que ma femme était au chômage”. Et pour cause : Catherine travaillait aussi chez EMT, comme intérimaire, jusqu’en avril. “Quand les deux membres d’un couple étaient à EMT, ils avaient dit qu’ils licencieraient un des deux. Mais parfois, ils ont gardé les deux. Je n’ai pas de jalousie, tant mieux pour eux. Mais on dirait qu’ils ont choisi avec un bandeau sur les yeux. Comme un jeu de dames, et ils déplaçaient des pions”, explique Dominique. Comme si ne jamais être absent, et de “toujours dépanner quand on l’appelait pendant les vacances” n’avait pas compté. Le surlendemain, il y avait une réunion à l’ANPE. “À chaud, comme ça, après trente ans sans y aller, ça m’a un peu traumatisé. J’avais l’impression de retourner à l’école, d’être un peu rabaissé. Moralement”.